La cocotte rouge cerise, là sur l’étagère de la cuisine

Maintenant que ses vêtements, dans la penderie, avaient perdu son odeur et ne sentait plus que le renfermé, que n’aurait-elle donné pour toucher un reste de lui. Après l’Accident, elle n’avait pas eu la présence d’esprit de lui couper une mèche de cheveux. Ou peut-être avait-elle craint le ridicule. Elle le regrettait tant !

Et puis un jour de novembre, la grosse marmite ovale en fonte, rouge cerise, là sur l’étagère de la cuisine, accrocha son attention. Comme un clin d’œil d’Ailleurs. Elle ne put en détacher le regard. Il avait mis le prix pour la meilleure et en prenait grand soin. Avec des carottes, des flageolets, des navets, des morceaux choisis de mouton, des pommes de terre fermes, de petits oignons confits, … il y mitonnait des navarins qui mijotaient vingt-quatre heures sur le poêle à bois et embaumaient la maison.

Mirotons, blanquettes et civets : elle raffolait de ses ragoûts fondants et savoureux, tout parfumés de la sauge du jardin. Il en préparait pour deux jours et invitait des voisins. L’heure venue, il ouvrirait une bonne bouteille, poserait la cocotte rouge cerise sur la table, sous la lampe, et, les convives faisant silence, il en soulèverait le couvercle et chacun tendrait son assiette. Elle aimait le voir tout content donner de la joie et du plaisir. De la vie avec de la cuisine, de l’amour avec du ragoût. Oh Mon Dieu ! Il lui manquait tant aujourd’hui. Son cœur battit alors la chamade : et si, dans le grand congélateur, il avait rangé des restes…